Deux (02) types d’Amibiase : intestinale et hépatique
A. AMIBIASE INTESTINALE
Infection colique déterminée par Entamoeba histolytica.
INTERET
L’amibiase est une protozoose et une des parasitoses les plus répandues dans le monde.
La guérison des lésions coliques laisse des séquelles fibreuses cicatricielles dont le retentissement clinique est variable.
PHYSIOPATHOLOGIE (cf amibiase hépatique, plus bas)
L’amibiase-maladie est due à la transformation dans le tube digestif de la forme minuta, saprophyte, en forme histolytica, pathogène, sous l’action de multiples facteurs.
Entamoea histolytica histolytica a un pouvoir essentiellement nécrosant et détermine alors ulcérations, abcès, hémorragies et irritation des plexus nerveux.
Bipolaire, la maladie touche préférentiellement le caecum et le rectum.
CIRCONSTANCES DE DECOUVERTE
1) Typiques
a) Signes fonctionnels
Le début de la maladie est brutal.
La forme typique est réalisée par un syndrome dysentérique aigu fait de 8 à 10 selles/j afécales, contenant glaires, pus et sang. On les nomme ’crachats dysentériques’. Les douleurs abdominales du cadre colique, épreintes et ténesmes l’accompagnent.
b) Signes généraux/Signes physiques
Les Signes généraux sont pauvres.
Le cadre colique est sensible et météorisé. Le toucher rectal montre une ampoule rectale vide et ramène des glaires sanguines.
2) Atypiques : les plus fréquentes
Le tableau réalisé est celui d’une forme diarrhéique subaiguë avec selles fécales.
3) Rares
La forme suraiguë maligne met en jeu le pronostic vital. Le syndrome dysentérique est intense et est associé à un choc toxi-infectieux et à des complications locales. Le traitement n’est pas toujours capable d’endiguer une évolution dramatique.
DIAGNOSTIC POSITIF
1) Clinique
En région d’endémie, la notion d’un syndrome dysentérique, d’une rectorragie ou même simplement d’une diarrhée prolongée doit faire effectuer une recherche parasitologique sur selles.
2) La parasitologie des selles
Elle doit être effectuée sur selles fraîches et pratiquée par un technicien averti.
En cas de négativité, il faut savoir répéter l’examen et employer les techniques de concentration. L’on met alors en évidence Entamoeba histolytica histolytica.
3) Rectosigmoïdoscopie
Elle est pratiquée concomitamment ou est proposée en cas de négativité des prélèvements.
Elle met en évidence les ulcérations évocatrices en coup d’ongles et permet alors des prélèvements dirigés.
DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
On évoquera dans le diagnostic différentiel en premier une colite inflammatoire (rectocolite hemorragique surtout et Crohn) mais aussi les colites infectieuses à germes invasifs (Salmonella, Shigella, Campylobacter et Yersinia) ou parasitaires (Anguillule, Giardia).
EVOLUTION
Sous traitement l’évolution se fait en règle vers la guérison Des complications sont toutefois observées en phase aiguë :
perforation colique
mégacôlon toxique
hémorragie digestive basse
A une phase plus tardive, on peut voir :
l’amoebome est une tumeur inflammatoire rare pouvant simuler un cancer du caecum ou une tuberculose iléo-caecale. Il guérit sous traitement antiamibien si la pathologie n’a pas déjà conduit à un traitement chirurgical. La sérologie amibienne est positive.
L’amibiase hépatique fait l’objet d’un chapitre à part. Elle est rarement contemporaine d’une amibiase colique.
Les séquelles sont représentées par la colopathie post-amibienne qui est une anomalie fonctionnelle, liée aux cicatrices coliques. C’est une alternance de diarrhée/constipation avec douleurs abdominales bipolaires.
Les écarts de régime et les contrariétés de la vie courante les favorisent. Le lavement baryté montre des images spasmodiques en piles d’assiettes, sans ulcération.
TRAITEMENT (cf amibiase hépatique)
1) Buts
Eradiquer Entamoeba histolytica du côlon.
2) Moyens
Les amoebicides tissulaires et de contact.
3) Indications
La forme aiguë non-compliquée relève du métronidazole pendant une semaine relayée par une cure de difétarsone.
La forme suraiguë nécessite l’utilisation parentérale de métronidazole et de 2-déhydroémétine. La réanimation et parfois la chirurgie ne permettent pas toujours la guérison.
Le métronidazole permet la guérison de l’amoebome.
La portage asymptomatique d’Entamoeba est traité par le difétarsone.
La colopathie post-amibienne ne nécessite aucun amoebicide mais bénéficie du traitement de la colopathie fonctionnelle (antispasmodiques, pansements intestinaux et diététique).
4) Surveillance
A distance de la maladie, il faut contrôler les selles.
5) Prévention
Cf amibiase hépatique.
CONCLUSION
L’amibiase intestinale est une pathologie parasitaire courante en pays d’endémie. Son diagnostic est simple mais il ne faut pas méconnaître les complications et les formes graves de la maladie. Le traitement fait appel aux amoebicides tissulaires et de contact.
B. AMIBIASE HEPATIQUE
Localisation secondaire hépatique d’Entamoeba histolytica.
INTERET
Les aspects diagnostic, thérapeutiques et évolutifs de l’amibiase hépatique se sont modifiés depuis quelques années. La description des tableaux est maintenant bien connue, en particulier la forme de l’autochtone et celle du métropolitain de retour d’outre-mer diffèrent.
Actuellement, le diagnostic est grandement facilité par l’apport de l’échographie et du sérodiagnostic immunologique. Enfin, les 5-nitro-imidazolés ont beaucoup restreint les indications chirurgicales.
PHYSIOPATHOLOGIE
L’amibiase est une protozoose. C’est une des parasitoses les plus répandues dans le monde.
La présence de la forme minuta d’Entamoeba histolytica dans le côlon signe l’amibiase-infestation. Il s’agit d’une forme saprophyte non-hématophage. De nombreux facteurs peuvent favoriser la survenue d’une amibiase-maladie liée à la forme pathogène, Entamoeba histolytica histolytica aux propriétés d’hématophagie, dont les signes coliques résument le plus souvent la maladie.
Le passage par la veine porte réalise dans le foie une nécrose parenchymateuse suivie d’un abcès, du aux propriétés cytolytiques et hématophages de l’amibe : l’amibiase hépatique est synonyme d’abcès.
Au niveau physiopathologique, le déterminisme d’une amibiase hépatique résulte de 2 facteurs : la virulence du germe et la réponse immunitaire de l’hôte. L’hypothèse actuelle est celle de plusieurs types d’Entamoeba dont seules certaines seraient susceptibles d’entraîner un abcès hépatique. La présence d’Entamoeba dans le tube digestif de patients HIV+ sans manifestation clinique en est un argument. La réponse immunitaire vis-à-vis de l’infection est aussi importante. Un déficit en lymphocytes CD4 pourrait être en cause. Chez les sujets primo-infestés, la maladie prend un aspect clinico-biologique très inflammatoire.
Les formes chroniques sont le fait des autochtones porteurs d’anticorps pré-existants.
Epidémiologie : la maladie est très fréquente en milieu tropical. En France, la majorité des cas sont des cas d’importation, et le contage est parfois>1an. 6 à 10% des cas métropolitains sont primitifs, en faveur d’une contamination directe interhumaine parfois par le biais d’une homosexualité.
En effet, la maladie est le plus souvent à contamination interhumaine indirecte liée au péril fécal. 80 à 90% des cas surviennent chez l’homme et ce fait est observé dans le monde entier. Il est le plus souvent âgé de 30 à 45 ans.
CIRCONSTANCES DE DECOUVERTE
1) Typiques
Le tableau le plus caractéristique est celui d’un ’gros foie douloureux et fébrile’ ou triade de Fontan.
a) Signes fonctionnels
Le patient se plaint d’une hépatalgie irradiant classiquement vers l’épaule droite et bloquant la respiration. Dans la plupart des cas, il n’y a pas eu d’antécédents digestifs d’amibiase.
Les nausées, vomissement sont fréquents.
b) Signes généraux
La fièvre est élevée aux environs de 39°C, comportant de fréquentes oscillations quotidiennes. Elle est moins fréquemment modérée ou hectique.
L’altération de l’état général est rapide sous la dépendance des nausées, vomissement.
c) Signes physiques
L’examen rapporte le signe essentiel de l’hépatomégalie, mais celle-ci est parfois difficile à affirmer en raison de la douleur. Elle est le plus souvent modérée. La percussion de l’aire hépatique rétrocostale réalise l’ébranlement douloureux de Bordes et Blanc. Fait essentiel : elle est isolée.
2) Les nombreuses formes atypiques
Un des 3 signes fondamentaux peut manquer, et parmi ceux-ci, l’hépatomégalie est la plus inconstante.
Les formes fébriles pures sont classiques mais rares : l’amibiase hépatique fait partie des ’fièvres inexpliquées après retour outre-mer’.
L’ictère est fréquent sous les tropiques et a une signification pronostic défavorable alors qu’il n’en est rien en France.
Des Signes fonctionnels pulmonaires sont rapportés dans 10% des cas. L’exceptionnel phlegmon périnéphritique droit est la conséquence d’une localisation postérieure droite.
Un tableau chronique évoluant depuis plusieurs mois est exceptionnel.
3) Les formes compliquées forment 15% des formes autochtones mais sont rares en France
Une complication peut être inaugurale :
Les complications respiratoires sont à type d’épanchements pleuraux réactionnel en cas d’importation. La pleurésie amibienne par fistule hépatico-pleurale, la pneumopathie amibienne droite ou un abcès pulmonaire sont fréquents en milieu tropical.
Les complications péritonéales que ce soit une péritonite ou un abcès sous-phrénique sont plus rares.
Les complications péricardiques à type de péricardite sont exceptionnelles.
4) Rares
La forme suraiguë maligne est rare en Afrique et n’est jamais vue en France. S’y associent des lésions coliques diffuses et l’évolution est le plus souvent mortelle.
DIAGNOSTIC POSITIF
1) Clinique
Le tableau de ’gros foie douloureux et fébrile’ chez un patient ayant séjourné en pays d’endémie évoque immédiatement le diagnostic. Cette forme est plus rare chez l’autochtone.
L’absence d’antécédents de séjour outre-mer ou de sympomatologie colique de la maladie n’éliminent pas formellement le diagnostic.
2) Examens biologiques d’orientation et la Radiographie pulmonaire
La polynucléose neutrophile et l’accélération de la VS sont retrouvées dans la majorité des cas. Les anomalies du bilan hépatique à type de cytolyse ou de cholestase anictérique ou non sont plus rares.
La radiographie pulmonaire montre typiquement une ascension de la coupole diaphragmatique droite dans la moitié des cas. La scopie montrerait une hypocinésie de cette coupole. D’autres signes sont communs : infiltrats des bases faisant évoquer une pneumopathie, émoussement d’un cul-de-sac.
3) Echographie
La chronologie des images est la suivante :
image arrondie hypoéchogène homogène pendant les 3 premiers jours d’évolution. Dans des cas exceptionnels, un épaississement de la paroi vésiculaire ou une hypoéchogénicité de la tête du pancréas peuvent faire errer le diagnostic.
une image arrondie anéchogène hétérogène avec renforcement postérieur sans paroi, ni cloison.
Les images ne permettent en aucun cas le diagnostic différentiel avec un abcès à pyogènes. Il faut souligner que l’abcès est le plus souvent unique et localisé préférentiellement dans le lobe droit.
NB : le scanner n’apporte rien de plus, sauf chez le patient chez qui l’échographie est impossible.
4) Les sérologies amibiennes
Elles sont d’un apport essentiel car Entamoeba histolytica n’est retrouvé dans les selles que dans 5% des cas, » l’origine du patient. La réponse est possible en quelques heures avec certaines méthodes.
Les faux négatifs sont exceptionnels si la sérologie est faite par 2 méthodes. Les faux positifs sont possibles en cas de carcinome hepatocellulaire : cela pose un problème en médecine tropicale quand on connaît la fréquence de cette affection liée à l’hépatite B.
En pratique :
Chez un patient ayant séjourné outre-mer, la conjonction d’un tableau clinique évocateur avec des images compatibles suffit à mettre en route le traitement. Le sérodiagnostic et l’évolution confirment le diagnostic. En l’absence de séjour outre-mer, la différence avec un abcès à pyogènes est impossible et fait alors place à la ponction échoguidée.
DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
Au niveau clinique, le principal diagnostic différentiel en dehors d’un abcès à pyogènes est le carcinome hepatocellulaire. Cette éventualité est observée dans 10% des cas en zone tropicale.
EVOLUTION et PRONOSTIC
Actuellement, l’évolution ne se conçoit que traitée : elle est remarquable sous 5-nitro-imidazolés :
Cependant, un diamètre>10cm rend le pronostic réservé,
Les complications initiales des séreuses, surtout la péritonite et la péricardite, font émettre une réserve sur le pronostic. Sous traitement, ces complications surviennent dans 10% des cas autochtones et sont responsables d’une mortalité non-négligeable,
Une rechute tardive est possible dans 4 à 7% des cas, même en l’absence de nouveau séjour outre-mer. Son explication la plus satisfaisante est la persistance de kystes coliques.
TRAITEMENT
1) Buts
Eradiquer l’abcès infectieux actuellement plus souvent par un traitement médical.
2) Moyens
Le traitement médical est le plus souvent basé sur le métronidazole (Flagyl), amoebicide tissulaire, par voie orale à la posologie d’1,5 à 2g/j en 3 prises pendant 8 à 15j. D’autres nitro-imidazolés peuvent être utilisés : tinidazole (Fasigyne), secnidazole (Flagentyl) ou ornidazole (Tibéral) sont mieux absorbés et ont une 1/2 vie plus longue, ce qui est pratique dans certains pays. La voie IV est nécessaire en cas d’intolérance digestive ou de période post-opératoire.
Dans tous les cas, un traitement kysticide est associé faisant diminuer le risque de récidive : on fait appel à 2 cures de difétarsone (Bémarsal), amoebicide de contact, 2g/j en 2 prises pendant 10j.
Le traitement chirurgical peut simplement être une ponction échoguidée, ou un drainage chirurgical.
3) Indications
Le traitement médical est obligatoire.
La ponction échoguidée est proposée en cas d’abcès sous-pariétal ou de gros volume. Le drainage est réservé aux très gros abcès préperforatifs et aux complications séreuses, en dehors de la pleurésie qui est traitée par les ponctions. Moins de 10% des patients sont actuellement opérés.
4) Résultats
La disparition de la symptomatologie est le meilleur paramètre d’évolution favorable. Elle est plus longue à obtenir en pays d’endémie.
L’exceptionnelle résistance aux nitro-imidazolés doit faire place à la 2-déhydroémétine, 1,5mg/kg par voie orale pendant 10j, dont l’efficacité est identique mais la tolérance moindre.
5) Surveillance
La surveillance porte sur les éléments qui ont permis le diagnostic et il faut savoir qu’un syndrome inflammatoire, une sérologie fortement positive et des images d’abcès peuvent persister très longtemps après la guérison, cependant sans signification pathologique. Le contrôle de l’absence de kystes d’Entamoeba histolytica est nécessaire à distance de la guérison.
6) traitement préventif
Il n’a lieu d’être que dans les pays d’endémie et fait appel aux mesures communes liées au péril fécal (eaux de boissons assainies, lavage des fruits et légumes par cette même eau, nettoyage systématique des mains avant les repas et après chaque selle). Les mesures collectives sont celles de l’assainissement du milieu (eau et déchets), le contrôle de l’hygiène alimentaire et la lutte contre les mouches. C’est particulièrement vrai dans les petites collectivités.
CONCLUSION
Le diagnostic d’un abcès amibien est actuellement simplifié par l’apport de l’échographie et du sérodiagnostic. Mais il ne faut pas perdre de vue les formes atypiques nombreuses, surtout en pays d’endémie. Le traitement est actuellement le plus souvent médical avec une efficacité quasi-constante.